ATELIER CHOREGRAPHIQUE DU THEÂTRE NATIONAL

ATELIER CHOREGRAPHIQUE DU THEÂTRE NATIONAL

1. Les Arts du Spectacle au Gabon

" LES ARTS DU SPECTACLE AU GABON "

Eléments de politique culturelle

 

 

Lorsqu'en Novembre 1991, le Ministère de la Culture avait organisé à Port Gentil des Assises sur la Culture et les Arts, un Conseiller du Ministre de la Culture était intervenu à l'Assemblée Départementale, qui votait son budget, pour demander la prise en compte financière de projets culturels.

 

Les personnes présentes avaient répondu qu'avant notre entrée dans la salle, ils s'exprimaient en langue vernaculaire, à l'aide de proverbes relatifs aux sujets débattus, et ajouté que dans les villages de leurs juridictions, les contes ou épopées, les chants, la musique, les danses, les masques, les costumes et l'artisanat étaient on ne peut mieux préservés.

 

Pourquoi devraient-ils donc voter des dotations, si ce n'est pour dénaturer ce qui est jusqu'à présent si bien conservé, d'autant plus que les us et coutumes issus de ce patrimoine constituent encore un piller de leur organisation sociale...?

 

Or il semble qu'une majorité de la population rurale comme citadine, se rallie à cet état d'esprit, et l'Administration chargée de promouvoir la culture trouve là un écueil responsable d'un grand nombre d'initiatives et de projets avortés.

 

Les acteurs du développement culturel qui mettent souvent en cause l'absence de volonté politique occultent ce facteur déterminant, car sans volonté culturelle propre à la création artistique, pas ou trop peu de productions à promouvoir.

 

C'est pour trouver des réponses à ces interrogations qu'avait été organisé à Libreville en 1995 par le Ministère de la Culture, la FE.DA.G. et le Conseil International de la Danse auprès de l'UNESCO un colloque international sur la danse en Afrique avec pour thème "de la tradition orale à la scène".

 

Les universitaires, chorégraphes et experts présents ont tenté, en puisant aux sources de la tradition orale, de dégager une dynamique de création chorégraphique qui permette au danseur africain d'accéder à la place qu'il mérite sur les scènes internationales.

 

En voici quelques extraits significatifs.

 

 

KOFFI KOKO, du Ballet National du Bénin :

 

"Nos danses doivent-elles être exposées ou pas? Moi, je répondrai qu'il y a des porteurs de la tradition que nous pouvons toujours respecter, qui sont notre mémoire, nos bibliothèques.

 

Mais il y a aussi des artistes qui ont vécu dans la tradition et qui, par chance ou par opportunité, ont été amenés à prendre conscience qu'ils pouvaient développer un don, et qu'ils apporteraient quelque chose à cette tradition en le développant au présent."

 

Françoise GRUNDT, Directrice de la Maison des Cultures du Monde :

 

Il faut craindre les systématiques occasionnelles du monde contemporain, surtout en milieu urbain. Le Microcosme urbain plie sous le joug du commercial et de la rentabilité.

 

Et les arrangeurs de traditionnel "rénové" vont vite en besogne pour mettre en place dans des délais records une forme de musique-danse "présentable" sur les scènes internationales, en pillant la plupart du temps les ritualistes et artistes de leurs pays, et en accommodant le larcin à la sauce des technologies nouvelles."

 

Gorge MOMBOYE, du Ballet National de Côte d'Ivoire :

 

Le jeune créateur tenté par l'acte de création, hanté par la volonté de communication, est donc contraint de sortir de la rigueur des codes et des règles traditionnelles pour pouvoir créer, même s'il commet à cet instant un acte de déstructuration.

 

Comment donc mélanger les différentes célébrations sociales dans une seule mise en scène puisque la tradition l'interdit, et alors que l'espace scénique le permet?

 

La scène, c'est la rencontre avec d'autres règles, c'est le respect d'autres codes, c'est la complicité avec un régisseur, la rencontre avec du matériel technique; c'est aussi l'ouverture et la fermeture d'un rideau, c'est une salle noire, un espace neuf, sans vie ni lumière dans lequel, par la magie de la mise en scène, on va amener un instant de vie.

 

Elsa WOLIATSON, Chorégraphe afro-américaine :

 

Pour moi, créer et marquer un pas au sol vont de pair. Je commence toujours avec un pas, puis je le "lave" jusqu'à ce qu'il prenne forme. Un seul pas suffit. Ma danse est l'épuration d'une chose pour aller à l'essentiel.

 

Le théâtre et le plateau sont des lieux sacrés. De la scène, et c'est pourquoi j'accepte d'y danser, toute chose, tout, absolument tout, passe par le public. C'est un lieu qui se charge de la force du mouvement et de l'action...

 

C'est une lutte, bien que souvent, beaucoup l'ignorent. Avant tout, ce n'est pas mon lieu. Je ne suis qu'une force de passage. Sur chaque scène, je me demande comment je vais y aller. Je lui demande la permission de passer et de danser. Bien sur, je connais le spectacle, je connais les pas, mais je vais vers l'inconnu : c'est le vide. Je réapprend la chorégraphie. Dés que j'entre dans un lieu, inutile de feuilleter un livre. Est-il chargé d'histoire ou non? je le sens, je le sais.

 

Les instruments ont leur âme et les danseurs sont comme des instruments. La technique est un plus mais elle n'est pas la danse. C'est pourquoi l'art est sans âge. 

 

Monsieur Mario BOIS, Président du Conseil International de la Danse (CID-UNESCO)

 

Le chorégraphe de l'Afrique contemporaine est-il un sauveur de patrimoine, ou bien au contraire, un être déraciné?

 

Ne peut-on pas le considérer comme un messager actif qui, fortifié par la pureté de la source, s'en va créer son monde à lui, nouveau et fertile..." 

 

                                     

...Un autre sujet de réflexion est celui du montage d'une pièce, d'un ballet ou d'un concert, dont le coût est toujours très élevé.

                                              

Dans des capitales de plusieurs millions d'habitants, un spectacle peut être joué des centaines de fois, ce qui permet de le rentabiliser.

 

La population plus limitée de Libreville, condamne les troupes locales et artistes locaux au déficit et au sacrifice.

 

Quant aux compositeurs interprètes, l'absence de circuits de distribution écarte les grandes maisons de production qui pourraient investir dans la promotion d'artistes locaux.

 

Si le piratage des oeuvres qui est à l'origine de cette situation peut être endigué par la nouvelle société de droits d'auteurs, il n'en reste pas moins que les pays qui en disposent depuis des années n'ont pas résolu, dans leur majorité, le problème posé par le reversement des royalties aux artistes...

 

Il reste donc l'ouverture sur les marchés internationaux, étroitement  liée à la compétitivité des productions proposées.

 

A titre indicatif, le marché des arts du spectacle africain (MASA) qui avait lieu à Abidjan en côte d'Ivoire tous les deux ans, réunissait trois secteurs bien distincts les uns des autres: le Théâtre, la Danse et la Musique, possédant chacun leurs propres circuits de distribution.

 

L'utilisation conjointe de ces trois disciplines dans la tradition orale ne diminue en rien l'importance d'une formation spécifique par discipline artistique, ceci pour répondre aux critères qui permettent d'accéder aux scènes internationales dans le contexte particulier des marchés privés de spectacles.

 

Jusqu'à présent, la majorité des tournées internationales de troupes gabonaises concerne une participation à des festivals ou manifestations ponctuelles dont les rémunérations ne peuvent en aucun cas couvrir les frais de séjour et de transport international.

 

Il faut donc pour participer à ces tournées, compter sur le soutien du Ministère des Finances qui, du fait de la récession, ne peut répondre favorablement à toutes les sollicitations.            

 

De nouvelles voies s'ouvrent avec les réseaux multimédias qui offrent l'opportunité de se connecter sur tout organisme de spectacles et de festivals dans le monde pour le prix d'une communication locale.

 

De ce fait, une troupe artistique compétente au Gabon, disposant d'un dossier administratif et audio-visuel complet en numérique, est déjà en mesure de négocier une tournée internationale sans intermédiaire.

 

Au prix de vente moyen d'un spectacle de qualité, avec moins de dix contrats dans une région donnée, une troupe peut autofinancer son déplacement et en retirer de plus de substantiels bénéfices.

   

                                         

 

Nous référons pour conclure à quelques extraits de la déclaration finale du Congrès Mondial sur l'application de la Recommandation relative à la condition de l'artiste qui s'est tenu au siège de l'UNESCO à Paris, en Juin 1997.

 

 

"... conscients de la contribution essentielle que l'art et les artistes apportent à une meilleur qualité de la vie, au développement de la société... nous exprimons notre préoccupation face à la diminution des ressources publiques consacrées à la création artistique qui constitue une tendance générale.

 

...Les artistes doivent participer à l'élaboration et à l'exécution des politiques culturelles nationales.

A cette fin, il importe en particulier que le développement des organisations professionnelles soit encouragé...

 

... L'uniformisation de modes de pensées et des productions culturelles qui résultent souvent d'un critère de rentabilité immédiate ou maximale constitue un danger pour la diversification de la création.

 

... De l'écoute de l'artiste et du respect de sa condition dépend ainsi pour une large part, le devenir des sociétés.

 

Dans chaque pays, 1% au moins du montant global des ressources publiques devrait être consacré à la création artistique.

 

Les nouvelles voies de financement privé, de la grande fondation à la petite entreprise, doivent être encouragées comme sources complémentaires, notamment pour appuyer la création et la diffusion des oeuvres contemporaines.

 

Les artistes de tous les pays doivent être incités et aidés à s'associer. Leurs organisations doivent recevoir le soutien nécessaire pour se structurer et mener une action efficace...."

_______________

 

Ces recommandations incitent les artistes à être réellement les interlocuteurs de l'Etat, non comme solliciteurs mais comme partenaires à part entière.

 

 

Le relais associatif doit permettre de créer des structures autonomes qui prolongent sur le terrain la politique culturelle ; associations et fédérations appelées à se transformer en unités de production quand elles ont trouvé les voies et moyens d'une indépendance financière.

 

 

Sacha LEKOUMA KOCHANOWSKI

Service des Ballets Nationaux

 

 

 



16/10/2010
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour