ATELIER CHOREGRAPHIQUE DU THEÂTRE NATIONAL

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Séminaire International 3. Jean Ondeno Rebieno, Auteur - Compositeur - Interprète Tradithérapeute. 3) « LA TRANSMISSION DE RITES DE GUERISONS »

3) « LA TRANSMISSION DE RITES DE GUERISONS »

Jean Ondeno Rebieno Auteur - Compositeur - Interprète Tradithérapeute

ORIGINE

De tout temps, la santé étant la préoccupation primordiale de l’homme, la précarité de son existence et l’hostilité de son environnement l’ont amené à se pourvoir d’un certain nombre de connaissances.

Observons dans nos régions, la rencontre de deux personnes se connaissant : nous constaterons que les accolades et embrassades sont toujours suivies de la sempiternelle question « comment allez-vous ? ».Si au cours de leur entretien, l’un des interlocuteurs venait à se plaindre d’une affection particulière, l’autre, dans le souci de lui venir en aide lui proposera une médication à base de plante visant à le soulager ou à le guérir définitivement (infusion, vermifuge, application…), donc recours à notre belle et vielle médecine traditionnelle que d’aucun aujourd’hui assimilent à la PHYTOTERAPIE. Preuve qu’en chacun de nous sommeille un Tradithérapeute puisque détenteur de recettes médicales ou médico-magiques. Ceci m’amène à établir les différentes formes de transmission de rites de guérison au Gabon.

Il existe à mon avis deux modes de transmission des rites de guérison qui sont : - 1/ La transmission naturelle (Ensemble d’enseignements reçus d’un ou de plusieurs maîtres initiés, ou de personnes non initiées).
- 2/ La transmission surnaturelle (Pouvoirs reçus de certaines forces surnaturelles - esprits, génies… transmission nécessitant de l’individu l’obligation de se faire initier à un rite particulier tel le Bwiti, Abandji, Elombo, le Ndjembé…).

I/ TRANSMISSION NATURELLE

La transmission naturelle des rites de guérison se fait à partir de la volonté de deux individus. L’un désirant parfaire ou enrichir ses connaissances dans le domaine des plantes médicinales ou de la médecine traditionnelle, l’autre animé par la volonté de transmettre afin de pérenniser un savoir. Mais à cette volonté de l’élève ou du disciple doivent s’ajouter l’abnégation, la disponibilité, l’obéissance et un comportement exemplaire qui sont à mon avis les critères de base d’un disciple voulant obtenir de son ou de ses maîtres un enseignement digne et conséquent.

Dans certains cas, le disciple n’est pas contraint de se faire initier à un rite particulier, sauf s’il le désire ou si son maître l’exige, comme par exemple pour le Bwiti Missoko qui a pour vocation de faire de ses adeptes des futurs Tradithérapeute appelés « ngangas ». Nous remarquerons qu’il existe bon nombre de Tradithérapeute dispensant des soins sans pour autant être des initiés à un ou des rites particuliers.

Mais en Afrique, l’enseignement seul ne suffit pas pour faire un homme. De même, le futur nganga aura besoin du « gage » qui le préservera de toutes les agressions spirituelles. Interviendra alors la bénédiction, ce « parchemin » (oral) qui lui donne l’assurance et la protection occulte dans l’exercice de sa future profession. La bénédiction est le couronnement de son abnégation, de son courage, de sa disponibilité et de sa conduite exemplaire durant son apprentissage. Cette bénédiction ne s’achète pas, ne s’impose pas non plus, mais vous est souvent donnée par l’ensemble des sages du lieu où le disciple a acquis ses connaissances et qui, de prés ou de loin, suivaient l’évolution du disciple. On accède en général au rite du Bwiti Misoko à la suite de problèmes familiaux, de troubles psychiques ou psychosomatiques. A première vue, l’adepte nouvellement initié au Bwiti n’a aucune prédisposition particulaire pour devenir un nganga ou un Tradithérapeute. Mais après son initiation, un enseignement rigoureux l’amènera à le devenir, si bien sur, il le désire.

Le Misoko est un grand esprit à tous les initiés, qui les prédispose à la voyance continuelle ; voyance qui est la mission première de cette société secrète. A celle-ci s’ajoutera enfin la thérapie issue de la connaissance de l’ensemble des plantes médicinales.

Le nganga du Bwiti Misoko ne rentre pas en transe. Il est conscient d’actes qu’il maîtrise parfaitement et qui obéissent à un rituel strict perpétué depuis les temps par nos ancêtres.

L’absorption de l’Iboga lui permet d’être en parfaite harmonie avec la nature, les esprits des ancêtres et enfin le créateur qui est omniprésent dans tous les actes, incantations et invocations qui concourent à guérir l’âme du malade en détresse. Les traitements se font, soit en s’accompagnant de chants et battements de tam-tams, soit en s’accompagnant d’un arc musical, instrument de prédilection.

Ses enseignements, le nganga du Bwiti Misoko les détient de différents maîtres spirituels. Enseignements gradués sur de nombreuses années avant d’aboutir à une autonomie, qui sera proclamée au cours d’une cérémonie rituelle secrète, puis ouverte au public. Ensuite, ce dernier ira compléter ses connaissances auprès d’autres personnes, car en général, un initié n’obtient pas toujours tout de son maître initiateur.

II/ TRANSMISSION SURNATURELLE

C’est donc suite à une affection physique, psychique ou psychosomatique que la transmission surnaturelle a généralement lieu. Celle-ci peut être contractée au cours d’une partie de pêche ou de chasse, après avoir ramassé un objet en brousse ou à la plage, en arrivant dans un endroit habité par un génie, en assistant à une cérémonie rituelle ou traditionnelle… affection dont la suite bouleversera à tors ou à raison l’existence de l’individu (le patient) et pouvant l’entraîner dans un déséquilibre aboutissant sur la folie ou même la mort au cas où ce dernier négligerait cette situation.

A ces manifestations, s’ajoutent les rêves, les songes et parfois les visions du patient, ou de certains membres de sa famille qui en témoignent. Le patient ira en premier lieu voir un médecin qui lui prescrira un traitement. Mais celui-ci ne le soulagera pas pour autant. Face à la persistance de la maladie, la famille se résoudra à consulter un Tradithérapeute (nganga) qui, à son tour exigera une voyance pour pouvoir déterminer avec exactitude l’origine et les cause de l’affection.

Cette consultation sera suivie de tests afin de confirmer la véracité de la voyance et convaincre les membres de la famille les plus sceptiques. La musique ayant une place prépondérante dans le monde des esprits, des chants et des sonorités d’instruments traditionnels envahissent l’espace, suivi d’un rituel bien orchestré et d’une gestuelle bien ordonnée par le maître de cérémonie, afin de mettre le corps et l’esprit du patient dans un environnement en harmonie avec l'essence ou le génie qui est la cause de son affection. Des invocations du nganga suivront, afin de supplier l’esprit ou le génie en lui faisant la promesse de répondre à toutes ses exigences dans un proche avenir. Au cours du rituel initiatique, le nganga devra user de tout son savoir, de son doigté, de sa dextérité et surtout de sa ruse pour séparer les bons esprits et génies des mauvais d’une part, et pour déjouer les influences négatives de certaines personnes malveillantes d’autre part.

Les rites initiatiques sont généralement accompagnés de chants rituels marquant des étapes importantes dans leurs cheminements. Et c’est au cours de ces différentes étapes que le nganga mettra le patient face au monde extérieur afin que ce dernier, en exécutant le rituel, permette à l’ensemble des initiés de savoir si l’esprit ou le génie qui le possède est bon ou mauvais.

L’esprit ou génie ayant répondu positivement à ces différentes étapes donnera ses propre chansons au patient, ainsi que des pas de danses se rapportant à son lieu d’origine. Cette danse est en fait non seulement une thérapie, mais aussi l’acceptation de tout le rituel et de tout le traitement administré au patient préalablement. Et dans ces différentes chansons, seront véhiculés des messages que seuls les initiés et les personnes averties comprendront. L’esprit ou le génie déclinera son identité, dira sa provenance, fera des prédications, dira surtout les raisons et les missions qui lui sont dévolues dans le monde des humains auquel il appartient désormais.

Apràs satisfaction totale de ses desiderata, le nganga, en retour lui demandera s’il est bien à l’origine des affections du patient. Ce dernier l’affirmera sans doute et promettra de guérir ce dernier. Santé que recouvrira le patient sans aucune autre médication. Son équilibre retrouvé, le patient fera désormais partie du cercle des grands initiés et détenteurs du patrimoine culturel du Pays (Nganga).Ces forces surnaturelles qui nous côtoient contribuent à la transmission des rites de guérison en acceptant volontiers de se mettre au service de l’homme, pour la construction, la solidification et la sauvegarde de l’humanité toute entière ; ouvriers de la première heure qui, depuis la nuit des temps, s’attellent nuit et jour pour trouver des remèdes aux grands maux de notre société, veillant subrepticement à l’essor de notre civilisation.

 



02/04/2012
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