ATELIER CHOREGRAPHIQUE DU THEÂTRE NATIONAL

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Séminaire International 4. Mr Adepo Yapo Ethnomusicologue Côte d’Ivoire : 4) Keu-Mi : Danse de possession chez les Akyé

4) Keu-Mi : Danse de possession chez les Akyé

 

(Sud-est de la Côte d’Ivoire)

Adepo Yapo    Ethnomusicologue

Côte d’Ivoire

Introduction

Ayant étudié la musicologie, particulièrement l'ethnomusicologie, il est plus facile pour moi de parler du recours à la musique comme moyen thérapeutique que celui que l'on pourrait attribuer à la danse. Mais, lorsque dans la majorité des cas, mes recherches sur le terrain font apparaître que musique et danse participent à une même réalité, sur le plan cognitif anthropologique de certaines sociétés africaines, il me paraît possible d'entrevoir des effets thérapeutiques au travers d'une pratique de la danse, possibilité que les recherches sur la musicothérapie ont, pour leur part, établie.

Ce phénomène, je l'ai vécu en tant que musicien au cours de différentes performances dans la pratique de cet art. De plus en plus, la pratique thérapeutique par le biais de l'art est admise. Par l’exécution d'un morceau de musique composé à partir d'une combinaison heureuse de sonorités douces d'une sanza shona du Zimbabwe (Mbira) et d’une berceuse ougandaise, j'ai réussi à soulager des personnes qui avaient des maux de tête. Ceci me laisse croire que la danse, manifestation la plus visible et active d'une audition musicale pourrait entraîner chez l'auditeur mis en mouvement en état d'extase où les sentiments d'angoisses et de refoulement connaîtraient un dissipement, signe d'un soulagement semblable à une guérison car les effets de cette pratique sont bénéfiques pour le corps et l'esprit de l'exécutant, ce qui peut lui permettre de maintenir ou d'établir un état de santé. La santé selon l'OMS est un état de complet à une absence de maladie en d'infirmité. Dans les pages qui suivent je vais parler de ce qui se fait chez les Akye du sud-est de la Côte, une société africaine dans laquelle j'ai effectué la majorité de mes enquêtes sur le terrain dans le domaine de l'ethnomusicologie.

Contexte Social

Chez les Akye de Côte d'Ivoire, comme la plupart des peuples africains, la musique et la danse connaissent une unicité conceptuelle. En effet le terme MI désigne à la fois la musique qui à son tour renvoie aux instruments de musique et à la danse. De ce fait il y a MI que l'on danse.. Si jouer la musique équivaut pour l'Akyé, lancer et jeter, danser correspond à trembler tourbillonner se mettre en mouvement.

Ainsi la danse qui trouve ses reprises rythmiques dans la musique lui donne plus de visibilité au plan spatial. C'est peut- être pourquoi les Akyé n'ont pas trouvé nécessaire de désigner différemment. Ceci a permis à Gilbert ROUGET de dire ceci « les Africains dansent leurs chants et chantent leurs danses ». Chants et danses en Afrique s'inscrivent dans deux catégories. Ici l'on dénombre le sacré' et le profane. Cette notion de sacré et de profane est largement déboîte dans les cosmogonies de chaque peuple. Chez les Akyé, Keu-Mi, danse de possession ou des guérisseurs, se range dans la catégorie du sacré, c'est-à-dire qu'elle est strictement réservée 'à des personnes initiées et qui constituent une dont le cercle serait fermé à quelqu'un qui n'est pas des leurs.

Le mot Keu désigne une catégorie de signes, des animaux tràs habiles et agités dont le pelage conserve des poils blancs sur le thorax. Ces animaux constituent le totem des personnes initiées à cette danse Keu-Mi, qui dans le sens premier voudrait dire danse des singes ken à qui l'on attribue en pays akye, une qualité: malicieuse. Les Akye disent que l'on ne peut devenir Ken se en ken-shi que si l'on est doté d'une intelligence malicieuse.

Qui’ est Ken-sé ou Ken shi ? Qui peut devenir Ken-sé ?
La tentative de faire apparaître des éléments de réponse à ces interrogations pourrait nous amener à comprendre le processus en pays akyé, pour le commun des mobiles toute personne est en proie à ce conditionnement qui entraîne ou enclenche de phénomène paranormal que nous désignons ici sur le vocale de personne possédée par un génie, un esprit ou une autre force dotée de puissance surnaturelle.

La possession se manifeste sous deux formes. La première résulte d’un état pathologique du sujet qui, dans un premier temps, oblige les parents à engager des dépenses onéreuses pour que la personne concernée recouvre la santé.

Si l’état de santé du sujet ne s'améliore pas, l'on cherche d'autres moyens de guérison. Après plusieurs tentatives vaines, le sujet commence, au travers des songes qu'il fait régulièrement, à recevoir des messages du génie possesseur qui lui indique ses intentions, celles de se servir de son corps comme support pour opérer des pratiques thérapeutiques parmi les humains.

La seconde forme de manifestation est plus spectaculaire. En effet, le cas de possession des génies, notamment ceux de la forêt, se traduit par un enlèvement d'une personne dans le village et à qui les visiteurs font subir une réclusion en forêt et ce, pour une période plus ou moins longue. Quelque temps après le disparu regagne les siens, vêtu et entillé des attributs des guérisseurs.

Dans les deux cas, les néophytes doivent subir une initiation chez un maître qui est lui-même guérisseur. Pendant la période initiatique, le néophyte reçoit des instructions relatives aux pratiques qu'il est contraint désormais de développer. Outre l’enseignement du maître, le génie possesseur, les lutins, les génies géants et d'autres transmettent, par le biais du songe, les connaissances théoriques et pratiques relatives à cette profession de guérisseur. Parmi les connaissances, la musique et la danse ont une place fondamentale car au sortir de cette initiation c'est par elles que l'évaluation des apprentis guérisseurs sera faite. En effet, c’est au travers des événements artistiques rendus possibles par la musique et la danse que le néophyte sortant d'une longue période pathologique va se libérer et retrouver l'équilibre nécessaire à la santé dite parfaite. Il est troublant d'observer par fois des néophytes qui, auparavant n’avaient jamais pratiqué la danse, exécuter des pas de danse aux gestes purs et raffinés que l'on reconnaît aux maîtres de cet art. Ceci traduit éloquemment que ce phénomène décrit bien la danse de possession où le secret et le sacré se mêlent au corps et à l'esprit de l'initié pour rendre visible un autre monde auquel ne peuvent accéder les profanes.

Danser, dans ce contexte, est un acte de guérison pour le néophyte sortant de la période initiatique ; ce geste artistique ayant pour support rythmique la musique, permet au pratiquant de réaliser une seconde guérison, celle de pouvoir diagnostiquer les maux dont souffrent les patients ; ce conditionnement réalisé à l'aide de la danse permet également de dégager la posologie du mal ou de la maladie : « ordonnance ».

Si la pratique de la danse, les mouvements, les sentiments de satisfaction et de plaisir peuvent opérer une thérapie plausible, il n’est pas moins vrai que le spectacle qui en découle peut également entraîner d'autres sensations qui procurent au public des extases pouvant générer un bien-être. Le raffinement d'une chorégraphie peut créer une thérapie pour certains malaises d'ordre psychologique. Alors il serait aussi de compter donc le rôle social des danses populaires qui rythment la vie des populations en milieu rural. C’est sur ces notes rassurantes que je partirai de ce séminaire avec l'espoir que les hommes pourront expérimenter de façon consciente ces pratiques thérapeutiques dans l’art comme thérapie en général et plus particulièrement l'usage de la danse comme moyen thérapeutique.

 



02/04/2012
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